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Initiation au tango argentin

Vous vous demandez peut-être : « Mais que vient faire le tango ici ? ».

Il est d’abord important de préciser ou de rappeler que, dans la tradition indienne, la danse et le yoga partagent une relation étroite. Reliés par un travail de gestuelle – les mudras – depuis le Nâtya Shâstra de Bharata, danse et yoga partagent une tradition de communication non verbale et de spiritualité. Sur un plan strictement corporel, le yoga traditionnel repose essentiellement sur une série de postures statiques maintenues sur une durée variable selon l’orientation, favorisant une conscience de soi profonde et, disons-le, unique. Les postures développent, sur un plan physique, équilibre, endurance et bien sûr souplesse et élasticité, notamment dans nos capacités de torsion du buste.

Le tango, on l’aura deviner, requiert ces mêmes qualités. Cette danse met au cœur de son expression la structure en spirale : les mouvements d’association et de dissociation du buste vis-à-vis du bassin sont fondamentaux en tango. Aussi, la stabilité du bassin et l’aplomb du corps, essentiels en yoga, sont au moins aussi importants en tango, et ce d’autant plus que le poids du corps est transféré vers l’avant du pied. C’est tout le travail indispensable à la réalisation et au maintien de l’axe du danseur ou de la danseuse. L’équilibre y est également primordial : proche de la danse contact, le tango est un jeu de rotation entre deux corps, l’un autour de l’autre, l’un contre l’autre. Maîtriser son propre axe dans la danse n’est pas une option, mais une nécessité. Cet axe s’étend jusqu’à la colonne cervicale et le placement soigné de cette dernière, crucial dans le yoga, trouve une parfaite application dans le tango. Car dans cette danse, le port de tête conscient, qui implique l’articulation harmonieuse du groupe nuque-épaules-omoplates, ne se limite pas à parfaire une ligne avec élégance. Il détermine la structure centrale du tango – l’abrazo – influençant ainsi non seulement l’esthétique mais aussi la fonctionnalité du mouvement et la qualité de la communication.

Sur le plan cognitif, la nécessité d’une écoute active et attentive de l’autre, associée à la conscience de ses propres mouvements – autant que ceux de son ou sa partenaire – ainsi qu’à la maitrise de son corps et de son environnement, tout en restant extrêmement présent à la musique d’une incroyable richesse, constituent un exercice que même une pratique exigeante et soutenue de la méditation pourrait largement envier.

Le yoga, dans sa quête de conscience et de maîtrise, invite à une écoute profonde de soi. Cette écoute, qui commence en soi dans le yoga, se déploie vers l’autre dans le tango. En yoga, nous apprenons à être pleinement présents dans notre corps et notre esprit, ce qui peut enrichir, dans la pratique du tango, notre capacité à nous connecter à autrui. Sans mots, les danseurs établissent une communication profonde, en harmonie avec les mouvements subtils et les ressentis de l’autre. C’est dans cette interaction que le tango révèle une dimension relationnelle unique, contrastant avec la solitude introspective du yoga. Cette connexion entre les danseurs et danseuses, fondée sur une compréhension mutuelle et un partage d’expériences, incarne une forme d’amour universel : celle de s’accorder avec une autre personne, dans un dialogue silencieux et profond. C’est dans cette écoute attentive que réside un des grands pouvoirs du tango… Ces deux pratiques, bien qu’elles diffèrent – et elles sont effectivement différentes – peuvent être vues comme les deux faces d’une même médaille : opposées mais très complémentaires. Avec un langage corporel similaire par bien des aspects, elles parlent, toutes deux, la langue universelle du cœur, celle de la joie.